Pour faire face aux canicules à répétition, adaptons le monde du travail !☀️🕑

Selon l’INRS, « les valeurs de 30 °C pour une activité sédentaire et 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique peuvent être utilisées comme repères pour agir en prévention. » Les fortes chaleurs peuvent avoir un impact direct sur les travailleurs (malaises, altérations de la vigilance, déshydratation, coups de chaleur, arrêts cardiaques), qui peuvent aller jusqu’à la mort.

Les vagues de chaleur risquent d'avoir un impact indirect sur les risques psychosociaux, « liés à la difficulté de travailler, de s’organiser et de coopérer par fortes chaleurs et des tensions qui peuvent en résulter avec les collègues, les clients ou les usagers. Ces difficultés peuvent être exacerbées par un absentéisme plus marqué et par les difficultés de chacun à récupérer de la fatigue », note l’Anact.

Dans les vignes, six morts en une semaine

Ces accidents liés aux canicules peuvent être aggravés par de nombreux facteurs : travailleurs qui résident dans des îlots de chaleur, habits de travail, travail physique, sources artificielles de chaleur…

A travers l'Union européenne, 23% des actifs sont exposés à des températures élevées durant au moins un quart de leur temps de travail, un pourcentage qui grimpe à 36% dans les secteurs de l'agriculture et de l'industrie et à 38% dans la construction selon les chiffres de l'agence Eurofound.

Selon Santé publique France, 47 travailleurs ont perdu la vie entre 2017 et 2022 en raison des fortes chaleurs. 11 travailleur·euses sont décédé·es en 2023, dont la moitié dans le BTP. Ces chiffres sont probablement sous-estimés en raison de la difficulté d’établir la cause de certains décès.

En septembre dernier, six travailleur·euses saisonniers ont perdu la vie en une semaine dans les vignes de la Marne et du Rhône.

Des températures élevées aggravent le risque d’accidents industriels et agricoles

Entre 1983 et 2011, la base Aria (analyse, recherche et information sur les accidents), mise en place par le ministère de l’écologie, a recensé 161 accidents liés à de « fortes chaleurs » ; 59 % d’entre eux se sont traduits par des rejets de matières, 49 % par un incendie et 11 % par une explosion, recense la base de données ARIA du gouvernement.

Selon le Barpi (Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles), les incidents et accidents liés aux fortes chaleurs ont été multipliés par huit entre 2010 et 2019, passant de sept événements en 2010, à 56 en 2019.

Lors de la canicule de 2022, la DREAL du Grand-Est a répertorié sept incendies dans des installations classées Trois dans des centres de traitement des déchets, un dans une scierie, un autre chez un fabricant de pièces aéronautiques… 

Ces accidents industriels peuvent occasionner des décès, des inhalations de produits chimiques volatiles, des dégâts sur la biosphère, et des problèmes de production. 

Le secteur agricole est aussi beaucoup touché par ces incendies, notamment les feux de champ qui se multiplient au moment des moissons. Lors de la canicule de 2022, 150 feux de champ se sont déclarés rien qu’en Charente Maritime. En juillet 2019 dans l’Oise, un agriculteur de 65 ans est mort brûlé vif dans son tracteur après un de ces feux de champ.

 Le DUERP, un outil pour adapter le travail aux fortes chaleurs

La loi française ne prévoit aucune température maximale au-dessus de laquelle un employeur n’a pas le droit de faire travailler ses salarié·es. A l’inverse, le droit du travail allemand reconnaît une incapacité à travailler au-dessus de 35 °C et contraint les employeurs à trouver des lieux de travail plus frais ou à aménager les horaires de travail.

Le Code du travail impose cependant à l’employeur de consigner dans le DUERP les risques liés aux fortes chaleurs, et doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleur·euses. Le Code du travail consacre plusieurs articles précisant les obligations de l’employeur en la matière. Ce dernier doit notamment :

 

  • mettre à la disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson : l’employeur détermine l’emplacement des postes de distribution des boissons à proximité des postes de travail et dans un endroit remplissant toutes les conditions d’hygiène et de conservation.
  • dans les locaux fermés, l’employeur doit veiller à ce que l’air soit renouvelé et ventilé afin d’éviter les élévations exagérées de température.
  • Aménager les horaires de travail afin de limiter l’exposition des salariés aux températures les plus fortes de la journée, notamment lorsque les travaux sollicitent un effort physique soutenu et/ou exposant à de très fortes températures (travaux en toiture, exposition sous des hangars non isolés, exposition directe et prolongée au soleil.
  • Reporter les tâches les plus pénibles, dès lors qu’elles ne présentent pas d’urgence.

 

Les travailleur·euses peuvent aussi utiliser leur droit de retrait en cas de trop fortes chaleurs. La cour d’appel de Nancy, le 26 février 2010, a validé le droit de retrait pour des couvreurs travaillant sur un toit pendant cinq heures, en pleine canicule, sans ombre et sans moyen d’hydratation.

Face aux fortes chaleurs, certaines entreprises adoptent des “horaires d’été” (début et fin de journée plus tôt pour éviter le pic) ou autorisent des pauses prolongées. En Espagne, les ouvriers bâtiments ont des horaires d’été. Ils commencent le travail plus tôt pour le finir à 14h. En Grèce, les chantiers sont suspendus en cas de trop fortes chaleurs. 

Le secteur du BTP dispose d’une disposition spécifique de branche : une caisse de congés intempéries. Chaque entreprise cotise à un fonds d’indemnisation. En cas d’aléas climatiques extrêmes, les entreprises arrêtent leurs travaux et les salariés bénéficient de congés payés abondés par cette caisse. Jusqu’à cette année, la canicule n’était pa prise en compte comme une “intempérie”. Mais à partir de cet été, les ouvriers du bâtiment et des travaux publics pourront bénéficier du chômage intempéries en cas d’alerte orange canicule. Selon Socialter, le décret n’a pas encore été publié au Journal Officiel.

Pourquoi pas imaginer un dispositif similaire étendu à toute l’économie pour lequel les entreprises les plus polluantes du CAC40 pourraient abonder un "fonds fortes chaleurs" que les salariés pourraient activer dès l’alerte canicule orange?

Transformons nos lieux de travail et de production

Pour s’adapter à la canicule, nous allons devoir collectivement imaginer la conception de bureaux, d’usines et d’entrepôts “bioclimatiques” afin d’améliorer l’isolation sans recourir à la climatisation. Plein de choses sont à imaginer : construction d’immeubles en terre crue, un biomatériau qui présente de très bonnes propriétés thermiques, peintures réfléchissantes sur les toits, végétalisation des façades… 

Toute l’économie va devoir adapter ses façons de produire car les canicules à répétition vont entraîner des risques industriels accrus. Dans le secteur du tri des déchets par exemple, il serait bon de développer des filières de tri et de reconditionnement efficaces des batteries au lithium, afin de limiter les risques d’incendies dans les centres de traitement et d’incinération. 

Autre exemple, les data-centers. Le 19 juillet 2022, des datacenters de Google sont tombés en panne pendant une douzaine d’heures, entraînant des ruptures de service pour quelques clients en raison de problèmes de refroidissement, le jour ou le Royaume-Uni enregistrait les températures les plus chaudes de tous les temps. Au même moment, Oracle UK South a dû mettre hors tension une partie de son infrastructure pour se protéger de défaillances matérielles en cascade. Pour faire face aux déréglements climatiques, le secteur va devoir mettre le paquet sur l'éco-conception évolutive et modulaire des data-centers. Collectivement, nous allons aussi revoir nos usages, et peut-être réduire notre consommation de données, au moins lors des pics de chaleur.

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