A quelques mois de son entrée en application, la directive européenne CSRD est sur les lèvres de toutes les directions. Dès 2025, les entreprises de plus de 500 salarié·es vont devoir produire leur premier rapport de durabilité pour se mettre en conformité avec cette Corporate Sustainability Reporting Directive. En 2026, ce sera au tour des PME cotées d’y être soumises pour leur exercice 2025.
Cette nouvelle réglementation prévoit des critères et des méthodes de calcul standardisées pour le reporting extra-financier : toutes les entreprises devront utiliser les mêmes indicateurs. Jusque là, dans le cadre de la NFRD (Non Financial Reporting Directive), à qui succède à la CSRD, les entreprises faisaient un peu ce qu’elles voulaient sur la base d’indicateurs “maison”, différents d’un rapport extra-financier à l’autre.
Validation par un commissaire aux comptes
Ces méthodes de calcul sont détaillées dans les ESRS (European Sustainability Reporting Standards), autour d’une douzaine de critères : émissions carbone, pollution atmosphérique, consommation d’eau, quantité de déchets produite, part de salariés couverts par une convention collective, localisation des chaînes de valeur…Le rapport de durabilité devra ensuite être validé par un commissaire aux comptes, sous peine de sanction financière et d’interdiction d’accès aux marchés publics.
En homogénéisant les indicateurs d’impact socio-écologique, la directive CSRD ambitionne de limiter le greenwashing et le socialwashing des entreprises après des scandales médiatiques comme celui d’Orpea. Malgré la maltraitance institutionnelle des personnes âgées au sein de ses Ehpad, le groupe avait été classé 5ème sur 113 entreprises du secteur en matière de RSE par le cabinet de notation extra-financière Vigeo Eiris. En 2019, la même agence de notation décernait à La Poste le meilleur score jamais donné à une entreprise, la même année ou la presse révélait une vague de suicides au sein du groupe. Avant que le scandale du DieselGate n’éclate, Volkswagen trustait les meilleures places au sein de ce type de classement.
Double matérialité et priorisation des enjeux
Pour rendre l’information extra-financière plus lisible, la directive CSRD introduit une nouveauté, celle de “matérialité extra-financière”, calquée sur le monde de la finance, ou la “matérialité” signifie le tri et l'identification des seules informations comptables susceptibles d’avoir un impact sur la performance financière d’une entreprise. La CSRD reprend ce concept pour l’appliquer au reporting extra-financier.
Les rapports de durabilité devront hiérarchiser les impacts socio-écologiques de l’entreprise pour ne se concentrer que sur les plus significatifs, dans une logique de “double matérialité”, elle aussi nouvelle. Les entreprises devront détailler l’impact de leurs activités sur la planète mais aussi l’impact des dérèglements climatiques sur leurs activités. Les directions RSE travaillent actuellement sur le sujet et certaines d’entre elles ont déjà rendu publiques leurs “matrices de matérialité”.
Sanofi a par exemple acté de concentrer son reporting sur la question de l’accès à des médicaments peu chers et à des traitements innovants. Le groupe TF1 priorise quant à lui l’indépendance des rédactions et le pluralisme de l’info ainsi que l’éthique et la déontologie. Cette logique est à double tranchant : elle peut simplifier la lecture des reporting extra-financier, souvent volontairement obscurs pour noyer les enjeux mais elle peut aussi créer un risque de “reporting à la carte”, creux et purement marketing.
La CSRD ne doit pas constituer un retour en arrière par rapport aux standards précédents, dont la Déclaration de performance extra-financière (DPEF). En tant que syndicats et élus CSE, à nous de nous assurer que toutes les informations des DPEF soient bien reprises dans la CSRD.
Une opportunité pour questionner les modèles d'affaires
Car nous avons bien un rôle à jouer dans la production de ces nouveaux rapports de durabilité. La directive CSRD stipule que « l’information en matière de durabilité doit être réalisée dans le respect des droits des travailleurs à l’information et à la consultation ». Dès la mise en place de la matrice de matérialité, les élus CSE doivent être vigilants sur ce point, et questionner la pertinence des enjeux sélectionnés.
Dans sa transposition française, la réglementation prévoit que le CSE doit également être consulté sur le rapport de durabilité de façon transverse lors des trois consultations récurrentes annuelles : orientations stratégiques, situation économique et financière et politique sociale de l’entreprise. Saisissons nous de cette opportunité pour questionner nos entreprises sur leurs modèles d’affaires!
Des périmètres pertinents de consultation
Pour ça, les élus syndicaux vont être confrontés à l’enjeu du périmètre de l’information extra-financière. La CSRD prévoit des rapports de durabilité à l’échelle du groupe, alors que les informations-consultations des élus syndicaux sont prévues au niveau des CSE, d’une filiale ou d’un site. Nous sommes donc en droit de réclamer des informations extra-financières à une échelle pertinente, d’autant que les rapports de durabilité sont produits grâce à la remontée de données depuis les filiales et les sites d’un groupe. Ces données existent, y accéder est un droit syndical!