Combattons le racisme dans nos entreprises!

Le racisme explose en France depuis 30 ans. En 1993, la direction nationale du renseignement territorial recensait 497 actes délictueux pour 3193 en 2023. Rien qu’en 2023, les actes antisémites ont bondi de 284%, les actes islamophobes de 29% et les autres faits racistes de 21%, toujours selon les renseignements territoriaux.

A longueur de journée, le spectacle politique et médiatique nous abreuve de discours racistes. Des plateaux de Cnews à l’Assemblée nationale, l’extrême droite est en passe de gagner la bataille culturelle. Il y a 30 ans, leurs idées n’étaient partagées que par des cercles nationalistes et fascistes. Aujourd’hui, toute la droite et une partie de la Macronie les reprend en cœur!

Au quotidien, cette violence raciste s’exerce d’abord sur nos lieux de travail. Parmi l’ensemble des saisines reçues en 2023 par le Défenseur des droits pour discrimination à raison de l’origine, près de la moitié se déroulent dans la sphère professionnelle. 33 % des saisines reçues relèvent de l’emploi privé et 15 % de l’emploi public.

“L’emploi est le secteur de la vie sociale où les discriminations en raison de l’origine apparaissent les plus aiguës, que ce soit dans l’accès à l’emploi ou au cours de la carrière”, souligne la Direction générale du travail elle-même, dans un guide à destination des CSE sur le sujet des discriminations publié en juin 2024.

Les leviers d'action du CSE 💡

En cas de propos, de comportements ou de faits de harcèlement à caractère raciste survenus au sein de l’entreprise, les élu·es CSE ont plusieurs leviers d’action : 

  • le droit d’alerte 🔎

Il déclenche automatiquement une enquête interne et peut déboucher -  en cas d’absence de mesure prise par l’employeur ou de discorde entre l’employeur et le CSE sur la nature des faits - sur une saisine des Prud’hommes. Le CSE peut aussi décider de saisir l’inspection du travail.

  • La réclamation collective 💬

Adressée à l’employeur, elle permet d’interpeller officiellement l’employeur pour lui demander de faire appliquer le droit du travail ou une réclamation individuelle - avec l’accord du salarié·e concerné·e - afin de faire cesser des faits racistes délimités à un cas précis.

  • La mise en place d’une commission “diversité” au sein du CSE 🙋

Cette instance peut travailler sur les politiques de recrutement de la société pour s’assurer qu’il n’y a pas de discriminations à l’embauche, ou mettre en place des formations à l’antiracisme au sein de l’entreprise.

  • L’accord collectif et l’auto-testing 📝

Le CSE ou les délégué·es syndicaux peuvent enfin signer des accords collectifs relatifs à la diversité et à la lutte contre les discriminations. Au sein du groupe Casino, le dialogue social a permis d’accoucher d’un accord sur “l’auto-testing”. 

La méthode du testing consiste à envoyer des CV de profils similaires ou seul le nom change, afin de mesurer le niveau de discrimination à l’embauche de telle ou telle entreprise. 

Avec l’auto-testing, c’est l’entreprise elle-même qui missionne un auditeur externe pour réaliser ces envois de CV. Dans le cas du groupe Casino, les syndicats et la direction se sont mis d’accord sur le protocole et la méthodologie d’enquête, ainsi que le périmètre de l’auto-testing.

  • L’utilisation des plateformes de signalement internes

La loi Sapin II oblige toutes les entreprises de plus de 50 salarié·es à mettre obligatoirement en place une plateforme de signalement pour recueillir les témoignages des victimes de harcèlement et de violences racistes, sexistes, grossophobes…

Des discriminations difficiles à prouver

Malheureusement, la discrimination exercée par un employeur au moment de l’embauche ou des évolutions de carrière, tout comme les agissements racistes entre collègues sont difficiles à établir factuellement.

C’est pour cela que, depuis la fin des années 90, la charge de la preuve en matière d'égalité professionnelle incombe à l’employeur. C'est lui qui doit désormais prouver objectivement l’absence de discrimination ou la justification de celle-ci.

Les salarié·es n’ont pas à prouver la discrimination. Il doivent présenter au juge des faits qui permettent d’en présumer l’existence et peut s’appuyer pour ça sur des mails, des témoignages… En décembre 2023, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui rend également utilisables les preuves obtenues de manière “déloyale”, afin de rééquilibrer un peu plus le rapport de force entre employeur et employés.

Prendre conscience du problème

La même année, le gouvernement rendait public son plan national de lutte contre le racisme et les discriminations liées à l’origine. Sur le volet “dialogue social”, la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah)  à l’origine du rapport recommandait justement “d’aider les représentant·es du personnels et des employeurs à objectiver l’existence de discriminations et permettre aux acteurs de prendre conscience du problème.” 

Le racisme ordinaire au travail est d’autant plus difficile à objectiver qu’il se situe souvent à la croisée d’autres oppressions (sexisme, validisme, âgisme…) et que les stéréotypes de race nous imprègnent toutes et tous, si bien que chacun·e reproduit et perpétue en partie des oppressions systémiques, y compris au sein des instances représentatives du personnel et des syndicats! Pour combattre le racisme dans nos entreprises, nous devons d’abord nous déconstruire!

Une long historique de lutte 

Pour ça, documentons nous sur les liens entre syndicalisme et luttes antiracistes. Créé en 1972 pour défendre les travailleurs étrangers, le Mouvement des travailleurs arabes a incarné cette convergence des luttes et a tenu un rôle décisif dans le mouvement social français et les luttes des travailleurs sans papiers pour leurs droits, à l’image de celle des salarié·es de Chronopost, évacués début novembre de leur piquet de grève par la police après trois ans de grève.

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Et pour ça, plusieurs options 😉