Depuis la loi Climat, les CSE peuvent donner leur avis sur les conséquences environnementales des politiques d'entreprises. Malheureusement, faute d'expertise dédiée, les élus manquent d'éléments pour établir un rapport de force en faveur de la transformation écologique des entreprises.
- De nouvelles prérogatives écologiques pour les CSE mais pas d’expertise dédiée
Une partie de la mission des CSE consiste à évaluer les décisions stratégiques et opérationnelles des entreprises au regard de l’intérêt des salarié·es, en s’assurant que les choix effectués par la direction ne nuisent pas à l’emploi et aux conditions de travail.
La loi Climat et résilience, a élargi ce pouvoir consultatif des élu·es CSE aux conséquences environnementales des choix faits par la direction. Lors des trois grandes consultations récurrentes (orientations stratégiques, situation économique et financière et politique sociale), l’employeur doit consulter les élu·es sur le volet écologique.
Quel est l’impact carbone de l’introduction de telle nouvelle technologie? Quel est l’impact sur la biodiversité de telle construction d’usine? Qu’est-il prévu en matière de sobriété énergétique? Les sujets sont nombreux et souvent techniques.
Pour délivrer son avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le CSE peut faire appel à un expert-comptable, dont les honoraires sont pris à 100% en charge par l’employeur. Un co-financement (80% employeur et 20% CSE) est prévu pour les autres consultations.
En ce qui concerne les conséquences écologiques de l’activité de l’entreprise, la loi ne prévoit aucune expertise spécifique financée par l’employeur, hormis celle d’un expert-comptable. Depuis la loi Climat, les grands cabinets d’expertise aux CSE se forment peu à peu aux enjeux écologiques mais beaucoup reste encore à faire.
Pour que les salarié.es aient accès à une expertise écologique de qualité, le Printemps écologique demande à ce que des cabinets de conseil et bureaux d’études spécialisés sur les questions écologiques puissent être missionnés dans le cadre des consultations obligatoires du CSE.
- Sans expertise, un risque d'enfumage des salarié· es
et de la société civile avec des reporting extra-financiers vagues et incomplets
En raison du manque de temps et d’expertise dédiée, le dialogue social au sein des CSE intègre encore peu les problématiques écologiques. 83 % des représentants des salariés font ce constat, selon une récente étude du cabinet Syndex sur le sujet. 69% déclarent également ne pas être engagés dans les nouvelles missions du CSE liées à l’écologie, au climat et à l’environnement.
Faute d’accompagnement des CSE sur les enjeux environnementaux, les entreprises peuvent enfumer leurs salarié·es sur leur bilan écologique, en publiant des déclarations de performance extra-financières pleines de bonnes intentions mais vides de données factuelles.
Les directions RSE noient aussi souvent les partenaires sociaux sous un flot de sigles, de labels et de données décontextualisées, le tout au service du greenwashing des marques. Si les CSE pouvaient faire financer de l’expertise écologique par l’employeur, le rapport de force s’inverserait sur les questions environnementales.
- Les experts-comptables sont en train de se former : comment choisir
un expert-comptable spécialisé
Peu à peu, certains cabinets d’experts-comptables se forment à ce que l’on appelle la “triple comptabilité", une façon de réaliser des bilans financiers qui prennent en compte les coûts environnementaux et sociaux. Ces règles de calcul, encore expérimentales, englobent les dégradations de l’environnement induites par l’activité de l’entreprise, au même titre que l’on calcule aujourd’hui la dépréciation du capital financier et les dépenses d’amortissement.
En pleine construction, cette méthodologie est en cours de formalisation au sein d’une commission de normalisation de l’Afnor. Bientôt, un standard Afnor devrait donc permettre d’identifier les cabinets d’experts-comptables capables de proposer ce type de services aux CSE.
En l’absence de cadre réglementaire, quelques boîtes d’expertise comptable expérimentent de nouvelles façons de faire, comme le cabinet Hendrix en région lyonnaise, Vertigo Lab, en région bordelaise, qui fait partie de la Chaire de Comptabilité Ecologique d’AgroParisTech ou encore Full Value à Paris.
Dans le cadre des grandes consultations du CSE, les élu·es ont la possibilité de choisir le cabinet d’expert-comptable de leur choix. Pour produire de l’expertise écologique, il est possible de se tourner vers ce type de cabinets spécialisés. Pour le moment, les grands cabinets comptables spécialisés dans le soutien technique aux CSE se sont peu emparés du sujet.
- Le syndicalisme, un espace pour s’auto-outiller collectivement
Dans notre boîte à outils, lancée en mars 2023, nous proposons une grille de pré diagnostic pour évaluer l’impact écologique des organisations, ainsi qu’une matrice d’élaboration des indicateurs environnementaux intégrables dans la BDESE (Base de données économiques, sociales et environnementales).
Malheureusement, les entreprises renseignent encore trop peu cette base de données, ce qui empêche l’élaboration de diagnostics écologiques sérieux. Si les élu·es CSE avaient le droit de faire financer une véritable expertise écologique, cela pousserait les organisations à élaborer des indicateurs de performance extra-financière plus précis. Quand un comptable met son nez dans un bilan financier, il repère vite les anomalies ou les données manquantes! Cela devrait être la même chose pour les reporting ESG.
La mise en application, à partir du 1er janvier 2024 de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) va obliger les entreprises de plus de 500 salarié.es à détailler davantage leurs bilans extra-financiers.
Cette nouvelle norme va imposer des indicateurs socio-écologiques standardisés à l’échelle européenne pour toutes les entreprises concernées, afin de d’homogénéiser les résultats, permettre la comparaison inter-entreprises et surtout, limiter les déclarations vagues et incomplètes. Une partie des données collectées seront transposées dans la BDESE, ce qui va permettre aux syndicats d’accéder à une masse de données supplémentaires. D’où la nécessité de construire une offre d’expertise solide au service des CSE!